Dans cette démolition du mythe super-héroïque, Josh Simmons et Patrick Keck dressent le portrait d'un héros aliéné par ses propres convictions et prêt à utiliser des moyens extrêmes et déviants pour changer une société qu'il considère comme pervertie. S'il était un exemple, voire une source d'espoir pour les faibles, il n'est plus que l'ombre de ce qu'il représentait autrefois et a abandonné toute raison et noblesse pour sombrer dans une folie dévorante et la dépression. Personnage pervers ayant abandonné toute morale, le héros est-il encore du côté du bien ?
Note : 4 / 5
La critique de mon chéri :
Résumer Dream of the bat n’est pas chose aisée, surtout quand la quatrième de couverture se pâme uniquement d’un pénis. Si cette touche raffinée donne un ton de fanzine plutôt que de comics classique, la classification n’en est pas pour autant évidente. Les graphismes, le format, les passages scato font pencher en faveur du fanzine mais la qualité éditoriale, les thèmes abordés et le développement des quatre récits qui forment cette BD disent l’inverse.
C’est toujours un plaisir de découvrir des nouvelles facettes des super-héros à travers le prisme des différents auteurs ajoutant leur pierre à l’édifice du personnage. Dans le cas présent, nous nous intéressons à un sujet de choix : la fin de Batman. Ça ne fera pas autant de vente que la mort de Superman mais l’intention est là ! L’un ne va pas sans l’autre, la fin de Batman signifie également celle de Gotham, sur laquelle s’ouvre le premier chapitre. On y trouve un Batman esseulé, seul survivant dans un froid décor post-apocalyptique, qui a finalement échoué dans sa lutte sisyphéenne contre le crime. Seul demeure encore le Joker pour un dernier pied de nez après avoir ressassé le souvenir de leur longue relation. Josh Simmons ancre ses personnages dans la plus noire des dépressions, jusqu’à la folie pour le bat et c’est, avouons-le, une prise de position que seul ce héros permet et dans laquelle nous nous noyons avec plaisir.
Toute cette exploration a une ambiance proche des Frank Miller (Year One, The Dark Knight Returns) comme pour boucler l’histoire. Le Batman confus et empli de doute des premières années n’aurait en fait jamais disparu. Le scénario ne fait pas l’erreur de tomber dans le pur potache et le ton, bien que plus trash parce qu’il peut se le permettre, reste étonnamment proche de ce qui peut se faire dans les comics DC officiels. La liberté du fanzine permet un vrai jusqu’au boutisme pour pousser les réflexions classiques propre à Batman. Des origines de sa conviction, à l’absurdité et la possible vacuité de sa mission dont il n’arrive ici jamais à se séparer au point de la répéter éternellement. Tout cela dans une progression vers l’abyme bien orchestrée tout du long des quatre chapitres qui sans être simplement chronologiques, dévoilent chacun un aspect particulier du Bat et sont inéluctablement attirés vers un final métaphysique.
Cette parenthèse à première vue parodique offre finalement un point de vue tout à fait nouveau, original et respectueux de l’œuvre originale, qui démontre à la fois un travail de fond et personnel des deux auteurs (s’étant plongés dedans durant des dizaines d’années) et la solidité du mythe de Batman (lui aussi bien mûri depuis le temps). Malgré les apparences, Dream of the Bat ne devrait pas décontenancer les assidus et offre une ouverture intéressante sous la forme d’un one-shot bien construit.
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