mercredi 29 mai 2024

Dream of the Bat - Josh Simmons

Dream of the BatJosh Simmons

Dans cette démolition du mythe super-héroïque, Josh Simmons et Patrick Keck dressent le portrait d'un héros aliéné par ses propres convictions et prêt à utiliser des moyens extrêmes et déviants pour changer une société qu'il considère comme pervertie. S'il était un exemple, voire une source d'espoir pour les faibles, il n'est plus que l'ombre de ce qu'il représentait autrefois et a abandonné toute raison et noblesse pour sombrer dans une folie dévorante et la dépression. Personnage pervers ayant abandonné toute morale, le héros est-il encore du côté du bien ?

Note : 4 / 5

La critique de mon chéri :

Résumer Dream of the bat n’est pas chose aisée, surtout quand la quatrième de couverture se pâme uniquement d’un pénis. Si cette touche raffinée donne un ton de fanzine plutôt que de comics classique, la classification n’en est pas pour autant évidente. Les graphismes, le format, les passages scato font pencher en faveur du fanzine mais la qualité éditoriale, les thèmes abordés et le développement des quatre récits qui forment cette BD disent l’inverse. 

C’est toujours un plaisir de découvrir des nouvelles facettes des super-héros à travers le prisme des différents auteurs ajoutant leur pierre à l’édifice du personnage. Dans le cas présent, nous nous intéressons à un sujet de choix : la fin de Batman. Ça ne fera pas autant de vente que la mort de Superman mais l’intention est là ! L’un ne va pas sans l’autre, la fin de Batman signifie également celle de Gotham, sur laquelle s’ouvre le premier chapitre. On y trouve un Batman esseulé, seul survivant dans un froid décor post-apocalyptique, qui a finalement échoué dans sa lutte sisyphéenne contre le crime. Seul demeure encore le Joker pour un dernier pied de nez après avoir ressassé le souvenir de leur longue relation. Josh Simmons ancre ses personnages dans la plus noire des dépressions, jusqu’à la folie pour le bat et c’est, avouons-le, une prise de position que seul ce héros permet et dans laquelle nous nous noyons avec plaisir. 
Toute cette exploration a une ambiance proche des Frank Miller (Year One, The Dark Knight Returns) comme pour boucler l’histoire. Le Batman confus et empli de doute des premières années n’aurait en fait jamais disparu. Le scénario ne fait pas l’erreur de tomber dans le pur potache et le ton, bien que plus trash parce qu’il peut se le permettre, reste étonnamment proche de ce qui peut se faire dans les comics DC officiels. La liberté du fanzine permet un vrai jusqu’au boutisme pour pousser les réflexions classiques propre à Batman. Des origines de sa conviction, à l’absurdité et la possible vacuité de sa mission dont il n’arrive ici jamais à se séparer au point de la répéter éternellement. Tout cela dans une progression vers l’abyme bien orchestrée tout du long des quatre chapitres qui sans être simplement chronologiques, dévoilent chacun un aspect particulier du Bat et sont inéluctablement attirés vers un final métaphysique. 

Cette parenthèse à première vue parodique offre finalement un point de vue tout à fait nouveau, original et respectueux de l’œuvre originale, qui démontre à la fois un travail de fond et personnel des deux auteurs (s’étant plongés dedans durant des dizaines d’années) et la solidité du mythe de Batman (lui aussi bien mûri depuis le temps). Malgré les apparences, Dream of the Bat ne devrait pas décontenancer les assidus et offre une ouverture intéressante sous la forme d’un one-shot bien construit. 

Dream of the Bat
25,00€ / 144 pages / 9782492646300

mercredi 22 mai 2024

La Horde du Contrevent - Alain Damasio

La Horde du Contrevent - Alain Damasio

Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. 
Imaginez qu'un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s'y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d'eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. 
Imaginez qu'en Extrême-Aval ait été formé un bloc d'élite d'une vingtaine d'enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueules, leur vie durant, le vent jusqu'à sa source, à ce jour jamais atteinte : l'Extrême-Amont. 
Mon nom est Sov Strochnis, scribe. 
Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. 
Je m'appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l'éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l'azur à la cage volante. 
Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l'ultime.

Note : 2,5 / 5
 

J'ai mis plus d'un mois à lire ce livre exigeant et je dois dire qu'il n'a pas non plus été aisé d'en écrire la critique. J'ai attendu peut être un peu longtemps avant de me plonger dedans (dire qu'il est sorti en 2004 ce livre !). Attendue que la vague d'éloges et de popularité passe pour le lire. J'ai eu le temps de m'imaginer tellement de choses, j'étais tellement sûre d'aimer cette lecture... au final ce fut tout le contraire.

J'ai pourtant adoré le premier chapitre. L'auteur ne nous ménage pas, les premiers pas dans cet univers de vents et de tempêtes sont épiques et haletants. C'est exactement comme ça que j'imaginais ce livre. Malheureusement, j'ai trouvé que ce premier chapitre n'était plus jamais égalé, on se demande où est passé le vent presque tout le reste du livre, à la place l'auteur préfère étaler ses problèmes métaphysiques et sa maîtrise du langage.

Les nombreux personnages mais surtout le style si particulier de l'auteur, c'est ce qui a été particulièrement compliqué à assimiler pour moi. On passe d'un personnage à l'autre assez rapidement, c'est difficile à suivre au début mais chaque personnage ou presque a au final son style bien à lui. Je dis "presque" car j'ai été très déçue par les personnages féminins qui sont vraiment les moins intéressants et sont principalement là pour satisfaire les hommes, chouiner ou faire des enfants. Oui, oui. C'est pas possible d'écrire des personnages comme ça sérieusement, à la limite de la misogynie, c'est grave.

Je crois que c'est le style de Damasio en général que je n'ai pas aimé. J'ai trouvé tout ça vraiment pompeux, il s'écoute vraiment parler, il se fait plaisir avec des scènes franchement inutiles mais qui permettent d'étaler sa maîtrise. Certes il gère les figures de style et c'est beau à lire, mais je ne suis pas vraiment réceptive à ce genre d'exercice quand c'est au détriment du reste. Et c'est le cas ici : j'ai trouvé que cela rendait le livre scolaire et sans émotions. Il y a énormément de personnages qui meurent ; je ne sais pas si c'est les personnages qui sont mal construits et pas très attachants ou si c'est le style mais je n'ai rien ressenti. Au final d'attacher autant d'importance au style, j'ai trouvé que cela rendait le récit maladroit, il y a un gros problème de rythme, des passages au récit indirect qui sortent de nulle part, des ellipses franchement malvenues après 100 pages d'ennui total et de frivolité à bord des navires de Fréoles ou après des joutes stylistiques interminables. L'auteur s'attarde sur certaines scènes plus que d'autres et je n'ai pas compris ce choix. 

En fait il y a plein de choses qui m'ont gâché la lecture, qui m'ont fait tiquer et déplu. Je ne parle même pas de l'histoire, de cette fin SPOILER : tout ça pour se rendre compte que la Terre est ronde sérieusement... Alors oui il y a tout un côté métaphysique ; c'est toute l'aventure, le voyage qui comptent ; ils finissent soudés, les âmes des morts perdurent dans le corps des vivants, ils se transcendent blablabla. Oui mais en attendant j'ai vraiment l'impression d'avoir perdu mon temps moi. Ce livre n'était vraiment pas fait pour moi.

La horde du contrevent
11,50€ / 736 pages / 9782072927515