Mieczysław Porębski
Tadeusz Kantor
Cette édition est dédiée à Tadeusz Kantor à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Il s’agit de la conversation à bâtons rompus entre l’artiste et Mieczysław Porębski, historien et théoricien de l’art, enregistrée à la charnière des années 1989-1990. Les interlocuteurs, amis de longue date, se plongent dans leurs souvenirs et partagent leurs réflexions sur la peinture, le théâtre, la littérature, dans le contexte polonais et universel. Leurs propos sont agrémentés d’anecdotes, d’apartés et de critiques spontanées. Dans le contexte de la pensée esthétique contemporaine, la conjonction des aspects plastiques et dramatiques, dont il est souvent question ici, fait du théâtre de Kantor un exemple de l’art total.
Note : 1 / 5
Voila un livre d'un genre peu habituel pour ce blog, un entretien d'artiste que j'ai pu recevoir grâce à Babélio pour mon chéri qui s'intéresse beaucoup à l'art, c'est donc sa chronique à lui que vous pouvez lire ci-dessous :
Je me suis intéressé à ce livre car il m'a semblé être une bonne façon d'entrer dans le travail de Tadeusz Kantor que je ne connaissais pas. Autant le dire tout de suite, il n'a pas répondu à mes attentes car il ne constitue pas une entrée accessible vers la démarche de Kantor. En effet, il se distingue des entretiens d'artistes, plus classiques, en ce qu'il tente de retranscrire une véritable conversation. Tout le problème de cette conversation est justement son rythme, qui oscille entre "à bâtons rompus" et des successions de monologues.
Lorsque la conversation se déroule "à bâtons rompus" une forte confusion s'en dégage. Chacun des interlocuteurs entrecoupe le récit de l'autre et le dialogue est vraiment saccadé, au point qu'on perd souvent le fil et que les paroles de chacun deviennent indiscernables. À ceci s'ajoute le fait que Porębski a souvent tendance à détourner la conversation de son cours sans qu'elle n'ait atteint son plein développement. La saccade se trouve alors autant dans le rythme que dans le contenu de la discussion.
Pour ce qui est des monologues, ils démontrent le défaut le plus important de ce livre, à savoir la distribution du temps de parole. Le problème est que Kantor n'est pas assez présent dans la conversation. La plupart du temps, il ne sert qu'à donner la réplique. À l'inverse, Porebski accumule les monologues. Cette disparité fait que, tout le long du livre, ce ne sont pas les thèses de Kantor mais de Porebski qui sont présentées. Ceci se retrouve également dans les ajouts que fait Porebski, le plus souvent des considérations, questionnements ou développements personnels, qui n'ont pas vraiment d'utilité réelle pour le déroulement de la conversation. Pourtant, ils sont bien présents et s'ajoutent à la tendance au monologue. Ainsi, si l'ouvrage est censé être une conversation, Porebski a constamment l'ascendant et l'œuvre de Kantor n'est pas présentée par Kantor lui-même. Alors qu'à la lecture d'un entretien d'artiste l'attente principale est une présentation de son travail par l'artiste lui-même, ici, la voix de l'artiste est complètement étouffée.
Tout ceci fait qu'au final, la conversation ne traite pas du travail de Kantor dans son aspects général. Il y a surtout deux thèmes très développés. Le premier thème apparaissant dans la conversation, après l'idée de tableau vivant qui est très vite écarté par une digression, est l'art contemporain polonais. Dans la mesure où les deux protagonistes ont évolué au sein de ce milieu, ils se remémorent ensemble leurs études aux Beaux-arts. Si cette conversation autour des autres artistes qu'ils ont fréquenté durant leur étude est parfois incompréhensible car trop personnelle, elle permet cependant d'en apprendre plus sur l'art polonais. Kantor et Porębski passent un long moment à réfléchir sur ce qui fait la spécificité de l'art polonais et en quoi la culture polonaise pousse ses artistes vers une esthétique propre. Ce qui s'avère au final être une des parties les plus intéressante bien qu'elle ne soit pas à première vue l'objet du livre.
La deuxième partie de la conversation se tourne plus vers le travail de Kantor, mais pas de façon générale. En fait, on entre dans des récits très précis concernant la genèse et la mise en place de sa première pièce Le Retour d'Ulysse. Il est forcément plus aisé de comprendre la conversation autour du Retour d'Ulysse lorsque la-dites pièce est connue car elle n'est jamais vraiment décrite. Il est par contre intéressant de voir comment s'est créé ce projet, de la première idée à la première représentation, et comment il a évolué au fil du temps. Surtout que le théâtre de Kantor est connu pour être en constante redéfinition. Mis à part ces deux grands thèmes qui composent la quasi-totalité de la conversation il y a également de rares allusions à Balladyna et à quelques concepts de Kantor comme l'art vivant ou l'emballage sans qu'elles soient développées plus que ça.
Tadeusz Kantor : conversation est un livre déroutant car il peine à remplir son rôle. En effet, il se détache trop de la présentation des entretiens pour parvenir à résumer l'œuvre de Kantor. Le plus grand problème de ce livre est que la conversation n'a aucun intérêt puisque ce n'est pas Kantor qui présente son travail mais Porebski. Enfin, il ne permet pas une bonne entrée dans le travail de Kantor car il est trop précis et ne cherche jamais à alléger son propos. En revanche, il permet d'en apprendre plus sur l'art polonais, cette fois-ci d'une manière générale et sur Le Retour d'Ulysse à condition que, paradoxalement, la pièce soit préalablement connue. C'est pourquoi il semble préférable de découvrir Kantor par Le Théâtre de la mort, de Kantor lui-même, ou La Planche, de Porebski sur Kantor. Cette conversation qui n'est ni de Porebski sur Kantor (mais qui n'en est pas loin (et c'est là le problème)) ni par Kantor lui-même n'arrive finalement à rien.
Remarque : Même si cela ne m'a pas servi, je trouve la volonté de l'éditeur de publier la conversation dans une édition bilingue vraiment honorable.